Ce matin là, c’est à cinq heures que j’ai dû m’extirper des couvertures pour aller prendre le bus qui devait m’emmener à la frontière argentine, quelques deux cents kilomètres plus au sud. Avant de monter dans celui-ci j’ai retrouvé, Mateo, Shark et Komi, avec qui j’avais partagé la soirée la veille et qui se dirigeaient dans la même direction, mais pas avec le même bus.
Je me suis ensuite installée dans le mien, couverte de mon sac de couchage pour résister à l’air gelé filtrant par les fenêtres mal jointes. Ma voisine est ensuite arrivée et je fus très dépitée de reconnaître en elle la française qui m’avait exaspérée à Puno. Heureusement, elle a dormi pendant la quasi-totalité du voyage et je n’ai eu à supporter que quelques remarques débiles. Pendant la première heure de voyage, j’ai tenté de l’imiter, mais le froid dans mes chaussures et la tentation du soleil levant éclairant le paysage m’en empêchaient. J’essayais d’enlever la glace à l’intérieur des vitres pour voir au dehors, mais chaque fois le froid regagnait rapidement ce que j’avais dégagé. Ce n’est que vers dix heures que le soleil a été assez chaud pour m’assister dans ma tâche. J’ai alors profité des immensités andines, des montagnes et des ravins, des virages en épingle et des détours par le lit du fleuve, plus praticable que le chemin. J’ai pu remplir mes yeux des couleurs de ce pays, elles y étaient toutes.
Nous nous sommes arrêtés une heure à Tupiza, où j’ai retrouvé mes compatriotes pour un petit déjeuner de hamburgers locaux. Cinq heures et quelques arrêts plus tard, le bus est arrivé à Villazon et s’est parqué à distance du terminal car la fête foraine l’empêchait de passer.
J’ai récupéré mes affaires et marché vers le Sud où j’imaginais trouver la frontière. J’ai d’abord traversé la fête, puis remonté une rue marchande où rivalisaient les vendeuses de coca et de mantas. J’ai tenté d’acheter une dernière poche de feuilles de coca avant de quitter le pays, mais les vendeuses ne semblaient pas disposées auprès de la clientèle étrangère. J’ai donc continué mon chemin et finalement aperçu le panneau frontalier. J’ai sorti mon passeport de son sac plastique, reçu deux jolis tampons et suis rentrée en territoire argentin. La différence s’est faite sentir tout de suite. Alors que le côté bolivien était coloré, dynamique, vivant, la ville argentine était beaucoup plus ordonnée, grise et plongée dans l’ennui.
Le terminal de bus par contre n’avait rien à envier à la Bolivie, crasseux et populeux. J’y ai acheté un billet pour Buenos Aires et discuté avec un flic bolivien, avant d’avaler un vrai steak argentin. Le bus est arrivé au terminal avec plus d’une demi heure de retard, mais dedans c’était le vrai luxe argentin, chauffage, sièges inclinables, télé qui fonctionne et même des vitres qui ne s’ouvrent pas.
En plus, j’y ai retrouvé mes compatriotes français qui rentraient chez eux, à Buenos Aires. En vingt cinq heures de trajet nous avons mangé trois repas, bu un certain nombre de verres de vin, regardé au moins cinq films américains et vu défiler la plaine argentine qui paraissait drôlement uniforme, après un mois passé en montagne. A une heure du matin, nous avons été tirés de notre sommeil par l’arrivée du bus, cinq heures en avance sur l’horaire ! Il ne me restait plus qu’à sortir Thierry, le cousin de ma mère, du lit pour qu’il vienne me chercher.
Les trois jours suivants, j’ai profité de son hospitalité et j’ai pu visiter rapidement Buenos Aires avec sa femme, Mariana et leur petit garçon Iván. Ils ont vraiment bien pris soin de moi, je me suis reposée et sentie cocoonée et ça faisait du bien après un mois d’errance heureuse.
Puis le jour fatal est arrivé. Le 31 juillet, ce voyage touchait à sa fin, les taxes d’aéroport m’ont délestée de mes derniers pesos argentins et je me suis envolée pour Santiago dans un avion d’Air Canada.
J’ai quand même eu droit à un dernier cadeau, pour boucler cette boucle en beauté, je suis repassée au dessus de mes Andes au coucher du soleil et elles étaient belles.
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