jeudi 29 mai 2008

Chapitre 13 – Entre français

Ma deuxième journée de randonnée a commencé assez tard, par deux heures de marche pour rejoindre le campement situé en bas de la Valle del Francés. J’ai installé ma tente à la place laissée vacante par un toulousain qui partait vers d’autres aventures et suis partie à l’assaut de la vallée.

Sans mochilla et avec une vue magnifique la montée fut très douce, car je m’arrêtais tout le temps pour admirer les glaciers si proches, si grands, si blancs et la plaine derrière, habillée de couleurs profondes et pures.


Je suis restée quelques instants au bord du torrent alimenté par tous les glaciers et les sources de la vallée, fascinée par sa puissance.


Puis j’ai continué jusqu’au bout du sentier, en traversant une forêt découpée par des éboulements, avant d’arriver au mirador qui offrait une vue impressionnante sur toute la vallée. Il était occupé alors j’ai poursuivi jusqu’à un second mirador, plus informel puisque aucun sentier balisé n’y menait. De là haut la vue était vraiment à couper le souffle ; entourée de montagnes couronnées de glaciers, au dessus d’une forêt sauvage, je me suis assise sur un rocher et n’ai rien pu faire d’autre que regarder.


Cela jusqu’à ce que Bernard, un français, vienne me parler. Il avait fait le tour du parc dans l’autre sens et c’était un de ses derniers jours. Il s’était fait mal au genou dans un passage un peu difficile et je l’ai donc attendu en redescendant, ce qui m’a permis de prendre encore le temps d’admirer le paysage. Nous avons dîné ensemble chacun dans notre petite casserole, en discutant du Chili et de la France.


Enfin, comme le camping était gratuit, il n’y avait pas de douche, et je me suis contentée d’un simple brossage de dents pour ce soir là, avant d’aller me reposer dans ma tente, voisine de celle d’un couple de français, disons… bruyant.

mercredi 28 mai 2008

Chapitre 12 - Un arco iris en el cielo

L’arrivée dans le célèbre parc Torres del Paine se fit sous la pluie et le vent et fut un peu déconcertante. Après avoir payé l’entrée du parc et pris un bus pour le camp de base et le début du sentier, nous nous sommes retrouvés sous la pluie, sans trop savoir où aller. En suivant les autres campeurs et en me concertant avec un couple d’australiens sympathiques, j’ai réussi à trouver le camping et un emplacement un peu abrité et sans crottin de cheval. Il y avait effectivement des chevaux en liberté, qui se baladaient dans l’aire de camping et pataugeaient dans le torrent qui apportait des glaciers l’eau potable.

Richard l’australien a tenté d’allumer un feu, sous la pluie et contre le vent, et grâce à l’aide de mon réchaud à gaz, y est parvenu. Ce n’était pas gagné d’avance mais grâce à ses efforts, sa patience et sa détermination ce fut possible et très agréable. Nous avons partagé ce foyer pour notre première soirée de camping et d’aventure et il fut frugal mais chaleureux. Des voisins argentins, qui finissaient le tour du parc nous ont même rejoint.


Avant ce dîner, nous avions eu droit à une accalmie et même à un arc en ciel qui, dans ce cadre magnifique, m’a rapellé ce beau poème de William Wordsworth.

My heart leaps up when I behold
A rainbow in the sky :
So was it when my life began ;
So is it now I am a man ;
So be it when I shall grow old ;
Or let me die !
The Child is Father of the Man ;
I could wish my days to be
Bound each to each by natural piety.


Après une nuit de sommeil perturbée par le froid, je suis partie à 9 h 30 pour la vallée des Torres en laissant ma tente sur place, pensant dormir au même endroit la nuit suivante.


La montée se fit tranquillement, sous un soleil radieux, avec peu de vent et au milieu de paysages extraordinaires, d’un autre monde, ou du bout de celui-ci.


La dernière ascension avant le panorama sur les tours s’apparentait à de l’escalade puisqu’il fallut grimper un amas de rochers jusqu’au point de vue sur les tours et le lac à leurs pieds, époustouflant. Malgré cette vue je n'ai pu m’arrêter au milieu de la foule et je suis montée un peu plus haut. Sur la crête soufflait un vent voleur de chapeau, mais on pouvait voir d’un côté la plaine s'étendre vers le sud, d’un autre les tours de pierres se dresser au milieu des nuages et encore ailleurs les glaciers reposer au fond de la vallée.

Après cela, plutôt que de continuer dans la même vallée, j'ai décidé de changer mes plans et de redescendre rapidement pour récupérer mes affaires et continuer mon chemin vers la vallée suivante. Au refuge où je me suis arrêtée pour acheter un sandwich, j'ai rencontré un jeune chilien, Javier, qui revenait d’une nuit passée dans une vallée cachée du parc et qui travaillait sur place. Nous avons bien discuté en redescendant et il m'a aidée à faire mon paquetage. Puis j'ai de nouveau repris la route, avec ma mochilla pesant sur mon dos, vers le camping de Los Cuernos. Le chemin état relativement plat et tranquille et j'ai donc réussi à le parcourir en quatre heures comme indiqué sur la carte.

Je me suis rendue compte que j'aurais quand même pu me faire une petite frayeur quand, peu avant le coucher du soleil, il a fallu se déchausser pour traverser un torrent assez vigoureux. La traversée, pieds nus, dans l’eau glacière, avec quinze kilos sur le dos, seule au milieu de la montagne, au crépuscule, était une expérience totalement nouvelle pour moi. Tout s’est finalement bien passé, si on ne prend pas en compte le trempage de pantalon et je suis arrivée à bon port à 21h 30, après une grosse journée de marche, riche en émotions et en beautés.
Je me suis offert un petit apéro et une douche chaude dans le refuge, avant d’aller me cuisiner une casserole de riz sous la lumière de la Lune et de m’endormir dans ma tente, fraîchement dressée sous les arbres, au bord du torrent qui grondait avant de se jeter dans le lac au nom et à la pureté tout suédois.

mardi 20 mai 2008

Chapitre 11 – La fin du monde approche

En rejoignant le continent, j’ai pu apercevoir les traces laissées par les deux serpents mythologiques qui se battent dans le détroit. L’un veut tuer tous les hommes en faisant monter les eaux, l’autre veut les préserver en faisant baisser le niveau. De leur combat est né l’archipel de Chiloé.

A Puerto Montt, j’ai attendu mon vol en déambulant sur le port, mangeant une empanada et visitant le musée Jean Paul II, consacré à l’Histoire locale.


Puis le temps est enfin venu de m’envoler vers le bout du monde. J’avais un siège avec deux hublots et pas de voisin ; ainsi, malgré les nuages, j’ai quand même bénéficié de quelques magnifiques vues sur les Campos de Hielo Sur (littéralement les champs de glace sud). Sous les ailes de l’avion et mes yeux ronds, s’étalaient d’immenses glaciers millénaires, purs, puissants, impressionnants, semblant dérouler lentement le monde avec eux.


En approchant de Punta Arenas, à 3090 kilomètres de Santiago, le paysage a changé, les montagnes glacées laissant place à de vastes plaines battues par les vents et surtout au Détroit de Magellan, le bout d’un monde, un endroit mythique pour moi, le passage obligé d’un tour du Monde. Seulement une étape, car ce qui est génial avec notre Terre c’est que lorsqu’on arrive à un bout, ce n’est qu’une illusion, on peut toujours aller plus loin, continuer, sans même avoir besoin de se retourner.


Je me suis installée dans un hostal confortable avant d’aller manger des pâtes dans un restaurant décoré d’une jolie façon et où j’ai même trouvé un souvenir de Reims.



Puis, la nuit tombée, je suis partie rejoindre le détroit, pour mettre la main dans l’eau glacée, appartenant tout autant au Pacifique qu’à l’Atlantique. Le bout du monde, noir, mystérieux, proche, ce détroit qui m’appelait à le traverser pour m’en rapprocher encore un peu.

Pas tout de suite, car le lendemain c’est vers le Nord qu’est parti mon bus, pour rejoindre la ville de Puerto Natales, à 254 kilomètres, point de passage obligé pour tous les randonneurs vers le parc Torres del Paine. Trois heures du même paysage, la plaine à perte de vue, de la terre juste bonne pour l’herbe à mouton et le méthane. Puis une arrivée sous la pluie et contre le vent, une ambiance de Patagonie comme je l’imaginais.


J’ai cherché vainement une agence de location de matériel indiquée dans mon guide, puis en ai écumé quelques autres, à la recherche d’une tente pour une, voire deux personnes. J’ai fini par en trouver une, trempée et sale, proposé par un homme assez blasé, qui m’a conseillé de dormir en ville et de partir seulement le lendemain.

Je n’étais pas en Patagonie pour regarder souffler le vent en attendant que ma tente sèche alors j’ai continué mes recherches, jusqu’à trouver du bon matériel et un loueur sympa. Ni une ni deux, je suis passée au supermarché acheter du riz et des soupes en sachet, comme tous les autres clients, j’ai accroché la tente sur ma mochilla, fait rentrer la casserole et le réchaud dans un coin du sac et suis montée dans le bus, direction Torres del Paine, à deux heures de route, encore plus au Nord, vers les champs de glace.

samedi 17 mai 2008

Chapitre 10 – Encore sur l’île magique

A la descente du bus, la propriétaire d’un hostal voisin m’a fait l’article pour que je vienne dormir chez elle. Je l’ai donc suivie et me suis installée dans une jolie petite chambre en bois avant de partir admirer le coucher du soleil sur le port de cette jolie ville d’Ancud.


Le lendemain, suivant les conseils de mon hôte, je suis partie voir la colonie de manchots de l’île. Grâce au courant froid de Humboldt, ils disposent d’un havre agréable sous des latitudes beaucoup plus nordiques que celles de leurs collègues antarctiques. Un petit tour en bateau dans la baie nous a permis de nous en approcher et je crois que j’ai autant apprécié de regarder ces petites touffes de poils luisantes que le jeu des vagues pacifiques sur les rochers.


Après ce petit tour, le grand air marin mettant en appétit, je me suis régalée d’une empanada de locos comme tous les touristes.

Sur la route du retour les paysages étaient magnifiques et j’en ai bien profité, ainsi que des panoramas de la ville. Depuis l’ancien fort espagnol, sur les hauteurs de la ville, on peut apercevoir les volcans enneigés du continent.



Puis, pour agrémenter mon passage sur Chiloé d’une petite touche de culture je suis passée par le musée, où j’ai pu apprendre l’histoire de l’île et de son peuplement par les Mapuches, peuple d’origine asiatique ou océanienne, selon les théories. J’ai aussi pu tomber bouche bée devant la grandeur d’un squelette de baleine, et admirer la vue sur la baie d’Ancud.


En passant par le centre ville, j’ai profité pendant une demi heure du spectacle d’un mime, qui jouait avec les voitures et les passants, pour un public conquis et heureux. De quoi conserver le sourire en cette fin de belle journée d’été.

Le lendemain, j’ai quitté la ville en bus pour aller découvrir le parc Ecologico Mitologico. C’est une propriété aux abords de la Panaméricaine où le jardin à été aménagé en parc ludique présentant la mythologie chilote. Quand je suis descendue du bus il était encore trop tôt apparemment car je ne voyais personne pour me servir de guide. En avançant sur le chemin j’ai rencontré une grand-mère qui a prévenu ma guide, une jeune fille a peine réveillée. Celle-ci a lu les panneaux présentant chaque créature à la vitesse de l’éclair. Malgré cela la visite était intéressante et je l’ai refaite seule et au ralenti pour prendre quelques photos.


J’ai ensuite voulu rejoindre la mer que je croyais proche. J’ai donc traversé la route et marché une petite demi heure sur un chemin qui allait vers le nord. C’est dans une ambiance toute particulière, enfumée par un paysan mettant le feu à des trous que je suis arrivée au bout du chemin. Là, la dame qui vit dans la dernière maison, m’a indiqué qu’il n’y avait aucun moyen de rejoindre la mer. Je suis donc revenue sur mes pas pour faire du stop au bord de la route afin de rejoindre le village de Chacao, au bord de la mer. Une famille m’a fait monter dans son pick up amenagé, pour parcourir les quelques kilomètres.


Sur place j’ai apprécié le calme de ce village de deux mille habitants, où seule la place centrale est pavée. Après un repas gargantuesque bien qu’économique je me suis dirigée vers Caulin, un autre village, réputé pour ses huîtres, via un chemin campagnard fort agréable. Ce chemin montait doucement et une fois arrivée à son point culminant j’ai pu m’éblouir avec la beauté de la vue qui s’offrait à moi. Je me savais sur une île de l’océan Pacifique, mais je pouvais apercevoir les cimes enneigées de la Cordillère des Andes. Cette île est vraiment magique.



J’ai continué ma balade, suis redescendue dans la baie où j’ai regardé patauger des cygnes à col noir et travailler des ramasseurs d’huîtres et d’algues, en attendant le bus. Le premier a passer allait dans la direction contraire à la ville d’Ancud et je n’ai donc pas pensé à l’arrêter. Les villageois m’ont expliqué que je venais de louper le dernier bus de la journée. Il ne me restait plus qu’à parcourir les cinq kilomètres qui séparent les lieux de la Panaméricaine pour y faire du stop. L’auteur de mon guide doit avoir quelques problèmes pour évaluer les distances car après deux heures de marche je n’étais qu’à la moitié du chemin et personne ne passait sur cette route rurale. Heureusement, de galants hommes sont arrivés et se sont arrêtés face à mon pouce tendu et m’on conduite jusqu'à la porte de mon hostal avant la tombée de la nuit.

Il me restait même un peu de temps pour aller me baigner dans les eaux claires de la baie. Cependant, je me suis vite rendue compte qu’il est difficile d’apprécier la même température de l’eau que les manchots et ma baignade fut très rapide. Néanmoins, je voulais en profiter car elle risquait bien d’être la dernière de mon voyage, puisqu’il ne me restait plus qu’à passer par la Patagonie.