vendredi 31 octobre 2008

Chapitre 10 - Il n'y a pas de mot pour titrer cette journée

La ville s’étale entre deux pics recouverts de végétation, le Machu Picchu et le Wayna Picchu. C’est vers l’entrée de ce dernier que je me suis dirigée puisque l’accès y est limité et qu’il faut donc faire la queue tôt le matin pour profiter de la vue offerte depuis son sommet. J'ai traversé la ville embrumée, profitant de ces instants de silence avant l’arrivée de la foule. J'ai même croisé quelques viscachas (trouvez les sur la 2ème photo), qui sortaient de leur cachette dans le calme matinal.



Après une demi-heure d’attente, j'ai enfin pu attaquer la montée du Wayna Picchu, ce pic à l’image plus célèbre que le nom. C’est celui qui domine la ville sur toutes les photos des guides. Au terme de trois quarts d’heure d’une ascension très raide dans les nuages, je suis parvenue au sommet où quelques touristes étaient déjà installés. J'ai pris ma place sur un rocher et attendu comme les autres que le mystère se dévoile, que les nuages s’écartent. C’était pour moi l’occasion de recoudre ma veste, fatiguée par tous les affres de la nature dont elle me protège et peut être aussi par les bretelles de la mochilla. J'ai lu un peu Alturas de Machu Picchu de Pablo Neruda, publié par LOM Ediciones évidemment, et j'ai mangé mon petit déjeuner.
Après une heure de repos forcé le spectacle commença enfin. Ce furent d’abord les montagnes aux alentours qui se dégagèrent et le soleil qui pointa. Puis les nuages nous laissèrent apercevoir des fragments de la merveille étalée à nos pieds. Enfin, le soleil brilla sur les ruines de Machu Picchu. Tout le monde s’est extasié, a pris des photos puis est reparti, puisqu’il fallait laisser la place aux suivants.

Pour ma part, toujours réticente aux demi tours, j'ai choisi de redescendre par un autre chemin, peu fréquenté, qui passait par un site de maisons troglodytes.
Il commencait à faire très chaud et le chemin en accordéon du retour vers le site principal était bien raide. Cependant, là bas au moins, nous n’étions qu’à 2000 mètres d’altitude et je pouvais respirer facilement en marchant. J’ai passé le reste de la journée à me balader entre les ruines, à admirer l’architecture, la précision du travail, la logique de l’organisation, la beauté de l’environnement. Je laissais traîner mon oreille pour saisir des bribes de discours des guides, un peu en français, un peu en anglais, parfois en espagnol.









J’avais imaginé qu’il n’y avait que la fameuse ville à visiter en haut du Machu Picchu, mais il y a en réalité bien plus. J’ai donc pu marcher jusqu’à la Porte du Soleil, extrémité du Chemin Inca et commencer une ascension du pic Machu Picchu, malheureusement avortée car il commençait à se faire tard. Après avoir parcouru la cité en long, en large et en travers, il ne me restait plus qu’à faire un tour au Pont de l’Inca avant d’admirer le coucher du soleil. J’ai donc suivi un sentier jusqu'à ce pont impressionnant, posé au bord du vide et prolongé par un chemin étroit maintenant impraticable.

Je voyais le soleil qui déclinait derrière les montagnes et je suis donc repartie en courant vers la ville. Quand je suis arrivée, le soleil jetait son dernier rayon et l’endroit était désert. Je fus stupéfaite quand je compris que le site fermait à 17 heures et que tout le monde avait déjà dû quitter les lieux.
Je me suis donc dirigée lentement vers la sortie, sous le bruit strident des sifflets des gardes qui harcelaient les retardataires. J’ai jeté un dernier coup d’œil à la ville mythique et tourné le dos pour redescendre en essayant de balayer la tristesse de cette vue. Au crépuscule, l’endroit redevient mort, vide de toutes les âmes qui devraient l’habiter. Ce ne sont que des ruines, grandioses certes, mais des ruines, le symbole d’une grande civilisation disparue, comme avalée par les brumes de l’Histoire.

Alors que je redescendais l’escalier Inca, la nuit m’enveloppa de nouveau et les bus me dépassaient. Je fus vite rejointe par Oscar, un des péruviens qui travaillent à la restauration du site. Nous avons discuté un peu et il m’a expliqué son travail fascinant de préservation de ce souvenir. Au pied de la montagne nous nous sommes séparés, il a rejoint son dortoir et moi le village.
Les célébrations religio-païennes de la Virgen del Carmen battaient leur plein et les rues résonnaient au son des tambours et des trompettes. Des hommes oiseaux dansaient à en perdre leurs plumes et tout le monde applaudissait. J’ai profité de la fête et de mon appétit enfin retrouvé pendant un bon diner.
Puis vint le temps d’aller me coucher, la journée ayant été longue et bien remplie, elle a débordé même !

samedi 25 octobre 2008

Chapitre 9 – Cachée dans la brume

Un taxi m’a emmenée jusqu’au terminal des bus locaux qui était bondé, bruyant et sale. J’ai obtenu un billet pour la petite ville de Santa Maria, dans la Vallée Sacrée. En attendant de partir, je me suis achetée une bouteille d’eau et des biscuits que je n’ai finalement pas réussi à manger pour cause de convalescence pas terminée. Enfin le bus est parti et je n’ai pas beaucoup dormi car il bougeait beaucoup et surtout je ne savais pas quand j’allais arriver, donc je préférais rester éveillée pour ne pas rater mon arrêt. Après cinq heures de voyage, le bus s’est arrêté, à deux heures du matin. Avant de descendre, je me préparais à avoir très froid, comme chaque nuit dans les Andes. Je fus donc très surprise en sentant l’air tiède et humide du lieu. Le bus est reparti. On entendait le bruit d’un torrent dans la nuit. La lune, à moitié cachée par les nuages, éclairait par moment une grande croix de bois plantée sur la place du village.

Un combi occupé par des jeunes touristes attendait de se remplir pour partir vers Santa Teresa. Une demi-heure plus tard, il fut rempli et démarra. Le trajet de plus de deux heures parut fort long, entassés que nous étions dans ce mini combi. Les phares éclairaient le chemin devant nous et le précipice qui le bordait. La nuit nous empêchait de voir le fond de ce ravin et ce n’était peut être pas plus mal.

Enfin nous sommes arrivés vers cinq heures du matin à notre destination, une centrale électrique perdue dans la forêt tropicale. Il ne restait plus qu’à parcourir les quelques kilomètres qui nous séparait du village d’Aguas Calientes. Le sentier était très bien balisé puisqu’il s’agissait en réalité de la ligne de chemin de fer. En plus, des brésiliens avaient loué les services d’un guide, qui avait des scrupules à me laisser seule derrière. Ma mochilla me ralentissait, le groupe était pressé, alors ils m’ont attendue jusqu’au lever du jour puis sont partis devant. Ce n’était pas facile de marcher de nuit sur le ballast et les traverses, sans avoir dormi, mais l’air sentait la forêt humide, il faisait bon, les oiseaux chantaient, une magnifique rivière coulait non loin et le soleil se levait dans la brume, alors tout allait bien.

A un moment le guide a levé le bras pour pointer vers ce que nous cherchions. J’ai levé la tête, tentant de l’apercevoir à travers la brume, mais tout était pareil, des pics anonymes, aux sommets embrumés, tous mystérieux.



J’ai continué mon chemin, suis montée sur le talus quand le train passait et après trois heures de marche, je suis finalement arrivée à Aguas Calientes où j’ai pu trouver une chambre et m’effondrer sur mon lit. Comme je n’avais pas vraiment été alimentée depuis plus de quarante huit heures, je suis quand même allée prendre un petit déjeuner avant de faire une bonne sieste de deux heures. Je me suis ensuite baladée dans le patelin, j’ai fait un tour au marché, une visite très intéressante du musée et je n’ai pas pu résister à l’envie de grimper en haut de la montagne sacrée située un peu à l’écart du village. Malheureusement, il allait bientôt faire nuit et un groupe de jeunes gringos bloquait le chemin, alors j’ai du renoncer à mon ascension.
Après un dîner rapide, je suis partie me coucher tôt, sans prêter attention aux répétitions des fêtes de la Virgen del Carmen. Il aurait fallut plus que des tambours et des trompettes à ma porte pour m’empêcher de dormir.

A quatre heures le lendemain, je partais pour une grande journée, armée de ma lampe de poche perçant la nuit péruvienne. Des brésiliens avaient décidé de partir à la même heure que moi, mais ces gros malins n’avaient pas de lampe. Je les ai donc éclairés pendant toute la montée et nous sommes arrivés à destination vers cinq heures et demie. Après une demi-heure d’attente les portes se sont ouvertes, le jour commençait à se lever. J’ai avancé un peu et au bout du sentier je l’ai vue, elle était là, cachée dans la brume. La légendaire cité des Incas, Machu Picchu.