jeudi 13 décembre 2007

Retour en arrière - La ville aux portes magiques

On m’avait prévenu, c’est une ville magnifique, exceptionnelle, face à laquelle on ne peut rester indifférent. Mais ce qu’on ne m’avait pas dit c’est que cette ville a une particularité encore plus extraordinaire que sa beauté.

Cette histoire commence dans notre monde, de nos jours, à Moscou, dans la gare Leningradskii. Nous sommes vendredi soir, à 21h00. Le train pour Saint Pétersbourg part dans une demie heure. Il est annoncé voie 5. Bonnet sur la tête, écharpe autour du cou, billet et passeport dans mes mains gantées, je me dirige vers mon wagon. Le train s’immobilise, et de concert, un homme ou une femme sortent de chaque wagon pour contrôler les billets. Ce sont les gardiens des wagons lits. Je trouve ma couchette dans un compartiment de deuxième classe où trois hommes ont déjà pris place. L’un deux m’adresse la parole et c’est le début d’une longue conversation, ponctuée par quelques regards sur les pages d’un petit dictionnaire franco-russe.
Le train se met en marche et nous buvons notre thé tout droit sorti du Samovar. Mes colocataires d’une nuit vivent dans la ville de Pierre le Grand et rentrent d’un voyage d’affaire moscovite. Quand à moi, c’est en touriste que je me dirige vers le nord. Et si je m’attend à voir une ville magnifique, je suis loin de me douter de ce qui va m’arriver.

Car ce que l’on ne m’avait pas dit, c’est que St Pi, comme les russes l’appellent est une ville magique. En effet, et comme je le découvris vite, on y trouve des portes magiques qui vous projettent dans d’autres mondes, similaires au notre mais différents en bien des points.
Quand on frappa à la porte du compartiment à 4h30, je ne savais pas encore dans quelle aventure j’étais embarquée mais en regardant le paysage enneigé, éclairé par quelques lampadaires timides, j’anticipais un grand moment.

Je franchis la première de ces portes magiques, sans le savoir, en sortant du métro, dans lequel je m’étais jetée, guidée par mes deux chevaliers servants. Mais après avoir parcouru quelques mètres sur Nevsky prospect, je compris que quelque phénomène étrange s’était produit. J’avais quitté le monde d’où je venais, c’était certain. Je me retrouvais en Europe, au 19ème siècle. Les façades magnifiques, cette architecture élaborée, l’agencement distingué, tout ce que je voyais me renvoyait une noblesse précieuse et européenne. J’avais bel et bien changé de monde mais, au début, je ne voulus pas le croire. Je venais d’un monde matériel, pragmatique, où les bâtiments sont aussi moches qu’ils sont grands et où les rues de la ville sont des douze voies que l’on ne peut traverser à pied. Alors que dans cette ville magique, sous les lumières de l’aube naissante, annonçant un jour radieux, tout n’était qu’une démonstration de luxe et de beauté. Cette ville était comme un cocktail de Paris et de Venise, avec un zeste de Stockholm, architecture magistrale, canaux enjambés par de petits ponts et rivière gelée. La Neva charriait de petits icebergs, créant un univers enchanteur et irréel. Je crus presque pouvoir marcher dessus. Je découvris l’Ermitage, et compris que ce monde vivait encore sous le régime du Tsar. Des tableaux magnifiques, des lustres somptueux, des parquets dignes d’être encadrés et des plafonds qui rivalisent de beauté avec les œuvres qu’ils protègent. J’aurais pu y passer des heures, mais par les fenêtres je voyais toujours la Neva couler, qui m’invitait à la suivre pour rejoindre la mer. En passant devant l’Eglise du Sang Versé je saluais quelques chevaliers qui faisaient la cour à des jeunes dames en manteaux de fourrures puis je rejoignis la mer.


Sur le chemin, j’ai passé une autre de ces portes magiques, sans m’en rendre compte tout de suite, comme pour la première. Mais en arrivant au bord de la mer gelée, alors que le soleil, ce paresseux, commençait sa descente après une courte journée, je compris que j’avais à nouveau changé de monde. Celui où je me trouvais était nettement moins beau. Je voyais des grues et des cargos au loin, travaillant certainement à construire des infrastructures portuaires, dans un bruit de fer et de moteur qui couvrait le vent glacé. Mais ce monde restait différent de celui d’où je suis originaire. A part les bruits des travaux, ce n’était que silence et je ne vis pas âme qui vive pendant plusieurs minutes. Je crus être dans un monde de machines, ce qui expliquait que le soleil prenait ses quartiers si tôt, n’ayant pas de cœurs à réchauffer. Mais bientôt je vis quelques promeneurs, engoncés dans leurs manteaux et bottes de fourrures, qui comme moi avaient décidé de braver le froid et de fendre la neige pour voir le magnifique spectacle du crépuscule.
Une fois la nuit tombée, je découvris qu’il y avait un métro dans ce monde et j’en fus bien aise car il me permit de rentrer m’allonger sous six couvertures dans une pièce aux fenêtres branlantes.



Le lendemain, je me trouvais toujours dans ce monde de machines et de métro mais je décidais de rester en surface pour apprécier le chemin jusqu’à la Neva qui toujours m’appelait.
Et je crois bien que c’est en traversant sur un de ses ponts qui se lèvent la nuit pour laisser passer les bateaux, que j’ai franchi la troisième porte magique. J’ai vu une église aux bulbes dorés et j’ai décidé d’y entrer, elle était pleine, c’était l’heure du service et je n’avais pas de foulard pour mettre sur ma tête. Je ne suis donc pas restée longtemps mais j’ai pu apprécier la richesse des décorations de la salle principale. Je cherchais aussi à savoir dans quel monde j’avais atterris, puisque je sentais bien une différence, mais je n’arrivais pas à l’expliquer.


Je sortis donc en quête d’indices, de plus en plus intriguée par cette ville et ses portes magiques. Et après quelques minutes de marche difficile, sur les trottoirs recouverts de neige et de glace je parvins à mettre des mots sur ce monde. Je compris que le temps n’avait pas la même valeur ici. Nous étions en 2OO7, c’était sur, mais il semblait que les bâtiments et les voitures avaient vieillis plus vite que les gens. Comme si le temps s’arrêtait parfois pour les hommes mais pas pour les objets ni pour les intempéries qui agissaient dessus. Les peintures se craquelaient et la neige recouvrait les pare brises. Puis soudain, la vie reprenait pour les humains de ce monde dont je faisais désormais partie. Dans ce monde étrange il n’y avait plus de soleil mais il commença à neiger et l’ambiance était vraiment particulière, surréaliste.



Puis j’ai retraversé un autre bras de la Neva et je crois une nouvelle porte. J’étais revenu dans notre monde, j’en étais sûre, puisque je voyais des militants distribuer des tracts en prévision des élections futures et des ouvriers monter un sapin de Noël artificiel et immonde à l’aide d’une nacelle. Pour en avoir le cœur net, je suis rentrée dans la citadelle de Pierre et Paul, et j’ai visité le musée de l’Histoire de la ville. C’était bien l’Histoire que l’on m’avait appris, j’étais dans le bon monde. Et cela me rassura car il fallait que je reprenne le train ce soir là, pour retourner travailler dans la ville des réalités. Ce que je fis, contente de m’allonger sur ma couchette dans un wagon dortoir conçu intelligemment par des ingénieurs russes, pour réussir à y installer tant bien que mal, le plus de voyageurs possible. Je m’endormis rapidement bercée par le balancement du train et épuisée par ces voyages.


Je crois que la magie consomme beaucoup d’énergie, même lorsqu’elle agit à votre insu. Ou peut-être est-ce ma foi en elle qui m’incita à franchir une nouvelle porte, celle du monde des rêves.






3 commentaires:

Hélène a dit…

Wow c'est schööööööön!!! La mer gelée a l'air assez impressionnante.

Math a dit…

Genre Hélène qui parle allemand ...
En même temps je peux pas faire la même chose en polonais donc bon, je me tais...
Et puis je vais juste dire wouaaaaaw, c'est trop trop beau !!!
Vraiment ! Et ton article est bien ^^
Plein de bisous, et re-bienvenue parmi nous (enfin parmi la France quoi, parce que nous on y est pas encore)

Anonyme a dit…

style que la jeune numide parle allemand

flex flat flux, et vive putin en anglais